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Good Symptoms

18.10 _ 18.11.2023

Des formes molles mais dures, explosives mais silencieuses, fourmillantes mais cachées… Good Symptoms engage une réflexion sur la parenté du régressif aux réminiscences populaires, joyeuses, voire ludiques, à la relation que nous entretenons avec la nature même d’une forme d’innocence commune à retrouver. Chez Max Coulon, Mario Picardo et Louis Lanne, cette quête d’innocuité pourrait avoir le bon goût d’une « blague supérieure » comme l’écrivait Gustave Flaubert à propos de la façon dont nous devons regarder l’Histoire pour savourer la nôtre. Et c’est peut-être parce que l’histoire personnelle des trois artistes a été biberonnée par la génération Y des jeux vidéo et des plats ultra transformés, au carrefour de l’américanisme et de la french house, que leurs univers portent sur l’étude d’une indécidée ou le bypassing* opérations dans l’anti-austérité d’un monde en crise. Max Coulon, Louis Lanne et Mario Picardo dans le même espace de la galerie Romero Paprocki, présence du.de la spectateur.rice active les liens. Un réseau de causes et d’effets se produit lorsque l’on s’amuse à repérer des récréations personnifiées de l’œuvre de l’un sur le travail de l’autre, ou lorsqu’on décèle des analogies et des références partagées d’une culture visuelle et debits des années 1990-2000. Le bestiaire de Max Coulon semble sortir de mues d’anciens animaux gonflés, ceux-là même qui ont fait rebondir les petits enfants d’antan. La légèreté aérienne de l’insouciance a pris le poids en béton de l’âge, où les gueules et les membres déformés renvoient au grotesque, motif que l’on retrouve également chez lui, ce qu’il n’évoque pas seulement un juste équilibre entre le terrible et le comique, mais aussi, ce en qu’il tient des figures fantastiques, mi-humaines, mi-animales, qu’il emprunte les motifs ou décors d’architectures illusionnistes dans l’histoire de l’art italienne de la fin du XVe siècle. Car le travail de Max Coulon n’interroge pas seulement une forme d’altération qu’impose l’ascension disproportionnée de la construction de nos vies, mais il ouvre tout autant la parole sur la physionomie d’une statuaire contemporaine dans le procédé de création afin de rompre directement sa réception. En coulant le béton coloré dans la masse dans « ce que nous pourrions appeler » « des peaux » (jouets gonflables, masques en silicone, déguisements…), la matière s’agrège et se saisit, façonnant son propre équilibre pour s’élever jusqu’au moment ultime où l’artiste démoule, déshabille, dépece la bête. Les morceaux à vif se greffent à d’autres membres pour tenter de tenir debout – façon jeu de construction –, et surtout pour gagner toujours plus de hauteur et s’inscrire dans la course illusoire de la réussite. Sauf que les êtres de Max Coulon semblent tout aussi égarés que préservés par l’enveloppe originelle de leur existence, en gardant sur drôle de tête sur les épaules aux pieds rigolos derriere. L’anatomie morcelée de leur corps n’est finalement que celle d’une matérialité rapiécée mais un bel bel bel cocon gélifié, laissant entrer la vie sous forme de créature, comme le serait la peau crépue frottée d’un nouveau-né. C’est en observant chez lui le bestiaire de nourritures liquides dont se forment, qui, par attraction, deviennent pas du très longue matière qu’il s’est amusé à collecter lors de ses voyages chez des marchands de gros de quotidien. En assistant, et ce surtout qu’au travers de ses dessins en tailles de renforcés, l’artiste Max Coulon incarne objectivement cette physionomie de la figure qui se dresse par elle-même pour mieux supporter ce qui la dépasse. À la fois piliers et jambes, coussins et attaches, pivets et tiges, les œuvres de l’artiste s’inscrivent alors dans le pli repliement esthétique, symbolique et fonctionnel des atlantes et cariatides de l’architecture antique à celle de Manuel Núñez. Goodbye Minnie de Max Coulon est mis en dialogue avec d’autres hauteurs, celles des lumières jubilatoires de Mario Picardo qui explosent en bouquets dans le ciel Fireworks de Mario Picardo. Les ‘Fschtth’ des expérimentations et ‘Vlam’ des feu d’artifice traduisent leur sonorité festive dans une matière picturale qui a la particularité de générer une perception hypnotique, c’est-à-dire comme donnant une impression que l’espace autour des sens est entravé, entre, de la combinaison d’un arrière-bouchée explosivité plus cédant des lumières drapés coups d’onomatopées, à l’utilisation détournée du polyuréthane peinte s’étalent et agit à agir à comprimer. Ce processus artisanal fait rentrer les feux d’artifices dans un moment d’étalent, celui où l’artiste déclenche les jets qui fusent dans la masse fibrée de la couleur. Emergent des formes qui pourraient trouver leur vocabulaire dans ceux utilisés au XVIIe siècle pour décrire les « feux de récréation » : des « serpentaux », de la pluie de feu, des « sautsissons volants » ou encore des « girandoles ».

Si de nos jours les feux d’artifices sont essentiellement des actes de célébration (fête nationale…), ils marquent aussi symboliquement un rite de passage porté à la connaissance du plus grand nombre (mariage…). Ces franchissements de seuils résonnent chez l’artiste : il se souvient avoir vu avec son père enfant, « les plus beaux feux d’artifice du monde à Valparaiso » à l’âge de 5 ans puis de 13 ans. Ces moments-clés de l’enfance à l’adolescence s’enchevêtrent aux souvenirs d’animés qui ont bâti sa culture visuelle, du classique Fantasia à la dernière scène des Trois Caballeros ou Donald Duck, caché sous un poncho, se fait enflammer le derrière par un coq mexicain. À ces joyeusetés et gaillardises, Mario Picardo y ajoute un zeste d’ambiguïté entre fond et forme dans une densité figurative qui oscille entre pop art, figuration libre et bad painting… Une peinture qui pourrait évoquer celle de Charles Lapicque (1898-1988), avant-gardiste particulièrement estimé par Mario Picardo. Cette imagerie festive chez l’artiste porte le caractère iconique de rendre sensible le merveilleux pour renvoyer à un imaginaire de l’enfance désormais ancrée dans notre culture après deux sensations fortes. Cette saveur sucrée envahit les surfaces aux dimensions que Mario Picardo a résidé au Château de Forbin pour peindre sa série Fireworks. Du spectacle éphémère des feux d’artifice il n’en reste trace que le souvenir d’une l’artiste, ancrée en a élaboré la magie pour retranscrire, transfigurer une forme contemporaine. Ces installations, sens d’émerveillement ont d’abord laissé leur empreinte sur des surfaces composites et sensorielles mêlant coulures et densités, des pictogrammes et personnages en amoncellements qui stimulent chez elle le cerveau affectifs de relations plastiques comme les registres de l’image, que ce soit dans les procédés techniques et de création, que dans les formes de représentations et de détournements pour laisser éclater un bouquet final finement étudié. Dessinateur compulsif et inscitif, Louis Lanne saisit tout sur le vif : ses œuvres témoignent d’une spontanéité du trait qui se superpose à des saynètes inopinées généralement folles. Ses fanzines et ses tableaux Velleda forment des microcosmes qui grouillent et fourmillent de signes, de personnages et de couleurs acidulées. Tels des écrans de zapping où s’amoncellent des images épisodiques, l’ensemble crée une cacophonie visuelle. Dans cette horde de bavardages, il devient complexe de fixer son regard tant notre œil se déplace de haut en bas, de gauche à droite, du centre aux côtés, happé par une profusion de détails qui invite toujours plus à se rapprocher. Or, c’est justement en s’approchant que s’opère une plongée délirante dans une époque en filigranes. Les couches de matières – peinture à l’huile, feutre, collet, résine, goudron, – se superposent entre transatlantic et dissimulation, apparition et disparition. Le support blanc et magnétique du tableau Velleda capte vivement la lumière qu’elle réfléchit en traversant les stratifications plus ou moins chargées et colorées, pareil à la technique du glacis. Ces révélations sous-cutanées permettent de mieux appréhender la notion du « dispositif réflexif », qui « en l’espèce, est un support utilisé à l’école – un tableau Velleda –, archétype du premier tableau sur lequel l’enfant doit apprendre à écrire et compter en délaissant progressivement ses crayons de couleurs. Louis Lanne transgresse ces règles élémentaires, encore aujourd’hui inculquées, en mélangeant des matières a priori incompatibles, comme le seraient les mathématiques et les arts plastiques. Outils, gestes, matériaux et textures, l’artiste élargit le champ des possibles en quête de très de date dans les actions de parasitage qui repoussent les limites du dessin. Rien n’est cantonné à la ligne, à la forme ou à la couleur ; si ce n’est un cadre physique qui ancre une bulle d’expression hédonisée. Toutefois, on retrouve cette forme ind’ restifiable : les têtes s’arrondissent, les lignes droites des cahiers scolaires ou de partitions se soulagent, les couleurs se déploient en arcs-en-ciel, les personnages ecarquillent leurs yeux dans une expression souvent grotesques… Ces éléments graphiques se retrouvent également dans l’esthétique d’édition de fanzines imprimés en risographie, une technique d’impression offset hybride qui surimpressionne les couleurs, dont le rendu tramé conserve un aspect vibrant et artisanal. Louis Lanne joue, une fois, toute distance critique et par proportion, l’épiderme de l’œuvre retrouve un toucher ludique.

Anne-Laure Peressin

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