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Side Quest

The exhibition is supported by The Centre National des arts plastiques (CNAP)

07.09 _ 15.10.2023

Pour sa nouvelle exposition à la galerie Romero Paprocki, Antoine Carbonne a souhaité renouer avec la succession d'images amorcée dans sa série A Bad Guy's Weekend (2018), et le récit entamé lors de sa précédente exposition, Riches Heures (2021), qui mettait en scène au milieu de paysages gothico-contemporains un héros à moto en quête de son destin. Side Quest présente une trentaine de peintures à l'huile au format des livres de poche, rappelant frontalement qu'il s'agit là de tableaux à lire. Antoine Carbonne nous embarque ici dans l'atmosphère d'une journée d'été presque ennuyeuse. La quiétude se mélange à une inquiétude latente due à la désorientation induite par un décor peu familier mais pourtant extraordinaire. On se trouve en effet au milieu d'un jardin d'une villa moderniste, que l'on reconnaît sous les traits de la villa Noailles à Hyères. Peinte sommairement en blanc, la villa se distingue de tableau en tableau, parfois dans sa totalité en arrière-plan, d'autre fois dans le détail d'un encadrement de fenêtre. Pour ponctuer ce décor, le mobilier d'Eileen Gray, harmonieux et sans artifice, accentue l'onirisme de la scène. Le narrateur omniscient de ce récit se trouve être une sorte de double de l'artiste, qui - à l'image d'un héros de jeu vidéo - déambule dans son monde et interagit avec des objets et des personnages qui rythment parcimonieusement sa quête. Fondamentalement seul, harassé par l'ennui, il n'a pas d'autres choix que de suivre les histoires d'anonymes qui se déroulent à la marge, en bordure des propriétés privées de la Côte d'azur. La première commence par la malchance d'un homme qui part en trottinette pour aller se promener sur la plage et nager tranquillement dans la mer avant d'être écopé accidentellement par un Canadair. Capturé dans son réservoir, il est ensuite relâché dans un feu de forêt.

Ses vêtements partis en fumée, le pauvre bougre en ressort nu, se demandant comment il allait bien pouvoir faire pour rentrer chez lui. Deuxième réveil. Climax. Des gens de toute sorte sont posés sur des tapis de sol dans le jardin de la villa. On se baigne, on boit, une fontaine de champagne coule à flots près de la piscine. Ils se mettent à danser, de manière indécise, presque malaisante. Le protagoniste de cette scène ne connaît personne, il trouve un transat et décide de s'y poser un peu. Il s'endort. Troisième réveil. La dernière partie du récit fait état d'un homme en retard. Enfourchant une trottinette en libre-service, il roule jusqu'à la mairie d'un village, bien en dehors de la zone autorisée par son application de mobilité douce. Arrivé à la mairie pour le mariage d'un proche, il se rend compte qu'il n'a pas prévu d'endroit où dormir. Désespéré par sa situation, il couche alors dehors, sans autre solution. Toutes ces saynètes sont traitées avec une palette fauve chère à Antoine. L'eau de la mer ou des rivières prennent les teintes d'une lumière tcherenkovienne et la végétation d'un paysage toxique. Les couleurs hallucinées des peintures font de ces tableaux des visions altérées ou augmentées d'une histoire à la lisière du rêve et de la réalité fantasmée. Ainsi, les histoires des personnages annexes s'accompagnent de l'observation attentive des émotions du narrateur. Le cadrage se fait ainsi plus serré, sur ses yeux médusés ou bien sur ses cheveux. Les peintures plus abstraites, réalisées à la bombe, comme pour brouiller les contours de ses propres sentiments, font acte de respiration ou de pause, indispensable au rythme du récit. Le personnage s'angoisse de sa propre situation comme celle du monde. Car si un canadair intervient dans son histoire, c'est que le sud de la France est en proie aux méga feux destructeurs que l'artiste ne peut ignorer. Nos rétines brûlent de ce spectacle halluciné. Or il s'agit là d'un spectacle sans vraiment d'actions, d'un livre où Antoine Carbonne a planté son décor et ses personnages, dans l'attente troublante et pesante d'une histoire principale.

Joséphine Dupuy Chavanat

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© Allison Borgo

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© Allison Borgo

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