D'air à Terre
Kaï-Chun Chang
12 octobre 2024 _ 23 novembre 2024
À l'occasion de la première exposition de Deborah Bowmann à la galerie Romero Paprocki, le duo d’artistes présente deux nouveaux ensembles d’oeuvres : une série d’assises en bois, présentée dans la première salle - ainsi qu’une nouvelle série d’assemblages monochromes, développée autour de l’idée de la nature morte. Cette dernière, présentée essentiellement dans la seconde salle, est réalisée à partir de déchets d’atelier et d'objets abandonnés ou achetés au marché aux puces de Bruxelles. Entre rebuts et restes, ces objets sont sélectionnés à la fois pour leurs qualités et leurs défauts. Leurs diversités stylistiques reflètent la sensibilité du duo aux traces de notre époque contemporaine, esquissant une archéologie personnelle. Au premier regard, ces objets gris semblent avoir été brûlés ou recouverts de poussière comme les innombrables bibelots qui décorent les cheminées et commodes des maisons familiales. Il s’agit pourtant ici d’une forme d'empoussièrement artificiel, comme le redoublement de l’effet du temps qui passe et de l’oubli. Ces compositions, créées de manière libre et instinctive, sont recouvertes de fibres textiles par un procédé électrostatique. En appliquant cette technique de sublimation à des conglomérats d’objets en fin de vie, le duo d’artistes met en vis à vis l'idée d'un geste d’atelier intuitif et d’une production industrielle standardisée. Cet écrin monochrome met en place un jeu d'interrogations et de confusions. Les objets initiaux sont à la fois dissimulés, mais demeurent identifiables, privés de leurs attributs originels tels que textures et couleurs. Nous ne sommes plus certains s'il s'agit d'objets ready-made ou de reproductions ; s'ils sont mous ou durs, s'ils peuvent être touchés ou non, s'ils sont potentiellement fonctionnels. À l’image des deux artistes (adoptant régulièrement le costume gris du travailleur moderne), la monochromie grise nivelle et re-standardise ces objets. En contrepied de cette idée, les œuvres colorées de la première salle affirment la diversité stylistique caractéristique du travail de Deborah Bowmann, articulant sculptures et mobiliers dans une grande liberté et associant différents vocabulaires esthétiques. Issues de différents contextes et expositions passées ou produites spécifiquement pour cette exposition, ces assises, réalisées en bois teint et vernis, sont pensées autant comme du mobilier que comme des sculptures. Inspirées de standards du design du XXème siècle, elles sont sculptées à la main, en taille directe et affirment une certaine rusticité, évoquant des objets tremblants tout droit sortis d’un croquis ou d’une peinture. Ce mobilier coloré vient contraster sculpturalement avec les natures mortes et laisse entrevoir la possibilité d’un usage par les visiteurs de l’exposition. Deborah Bowmann est un duo d’artistes formé d’Amaury Daurel et de Victor Delestre initié en 2014. Le travail de Deborah Bowmann s’articule autour des questions de présentation, de contexte et de collaboration, avec comme trame de fond le mélange de réalité et fiction. Entre 2014 et 2022 le duo a développé un espace d’exposition éponyme à Amsterdam puis à Bruxelles dans lequel ils organisent 33 expositions en collaborations avec des artistes de différents horizons. Mêlant une pratique sculpturale à celle de scénographe, de curation dans laquelle leur vie intime se retrouve souvent intégrée, leur travail se développe comme une sculpture vivante, une oeuvre d’art totale. Leur travail a été montré en 2017 à la Fondation Ricard lors de la 19ème édition du Prix Ricard ; au Centre Pompidou Paris en 2020, 2021 et 2022 lors du festival Extra! ; au CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux en 2021 lors du Club du Poisson Lune ; au MLeuven, Louvain en 2024 lors de ALIAS. Deborah Bowmann sera en résidence à la villa Médicis en mars 2025.
12 Octobre 2024 _ 23 Novembre 2024